Nous avons enterré un mot du dictionnaire.



Dis-le aux arbres sur la place remplie de papiers après la fête.

Dis-le aux quatre points cardinaux.

Dis-le au linge sale

Dis-le à la vache de la carte postale sur le mur de la cuisine.

Dis-le à tes vêtements déshabillés.



J’ai rayé un mot du dictionnaire

et je l’ai enterré avec mon carnet d’adresses,

avec ses allées et ses fleurs

et tous ses chiens,

car le nombre de ses morts

était devenu plus grand que lui.



Il y a des morts dont je suis fier.

Mais ça ne fera revivre personne.

J’ai rayé un mot du dictionnaire

comme la société l’a rayé de la vie.



Nous avons enterré le linge qui volait.

Ils ont rasé la maison où nos cœurs saignaient.

On a euthanasié les rêves aux entrailles ouvertes.

Et le mot est mort, tout ficelé et sonore

comme un vieux diplôme aux rondes déliées.



Mais moi, je l’ai enterré tendrement

comme un chat mort qui s’appelait « Rotie ».

Et dans mon lit vaste et dévasté je rêve encore de lui.

Dis-le aux gouttes de pluie.

Ce pauvre mot tout ratatiné

se nommait

« Liberté »