Les habitants qui cédaient aux pressions des promoteurs étaient contraints à vivre quelques temps encore sur les ruines de leur maison

Originaires pour la plupart du Rajasthan, ces familles d’artistes vivaient ici depuis 1950. Ils étaient marionnettistes, charmeurs de serpents, avaleurs de sabres, jongleurs, magiciens, musiciens, danseurs, chanteurs, lanceurs de couteaux, cracheurs de feu… Certains étaient montreurs d'ours, jusqu'au jour où la possession d'un animal sauvage a été interdite.

Ce marionnettiste a organisé le combat contre le projet
de réaménagement urbain. Il a été le dernier à quitter le bidonville

En 2010, dans le cadre un projet public-privé, de réaménagement urbain, la municipalité de Delhi à vendu à des promoteurs pour plusieurs millions d’euros, les 5 hectares de terrains où s’érigeait la colonie. Le projet prévoyait la construction 2.800 appartements dans des immeubles de dix étages. Un complexe commercial était aussi inscrit au programme.
Les promoteurs et le gouvernement indien promettaient d’indemniser ou de reloger les habitants de la colonie dans des appartement jugés plus salubres. Malgré la précarité du lieu la résistance s'organise dès 2014. Les manifestations qui s'en suivent sont très médiatisées. Sous la pression, les harcèlements et les menaces musclées, certaines familles ont commencé à accepter de partir. Dès qu’un accord était trouvé, le lendemain, les bulldozers entraient en action pour raser les maisonnettes.

Les marionnettes sont fabriquées par l'artiste lui-même et par sa femme. En Inde, le théâtre de marionnettes est un art très populaire

Les derniers opposants au projet ont dû déposer les armes, faute de combattants.
Aujourd’hui, le projet immobilier est en cours d’achèvement et les habitants de la colonie de Kathputli qui sont éligibles ont commencé à être relogés dans une tour qui leur est dédiée, selon un article du Time of India en date du 5 Octobre 2023.

En 2017, par l’intermédiaire d’un ami commun, une famille d’une lignée de huit générations de marionnettistes avait accepté de me recevoir chez elle pour m’accorder une interview sur la situation de la colonie. La famille fabriquait elle-même ses marionnettes en bois et en soie avec lesquelles elle se produit dans les rues et sur scène. Afin d’améliorer son ordinaire, elle les vendait également aux touristes. Malgré les apparences, l’homme sur la photo - l’un des leaders de l’opposition au projet-, est un marionnettiste de renom qui a été invité à se produire à plusieurs reprises dans des festivals en France et en Suisse.