Ouvrons un dictionnaire : selon le Littré, au XIXe siècle, touriste « se dit des voyageurs qui ne parcourent des pays étrangers que par curiosité et désœuvrement, qui font une espèce de tournée dans des pays habituellement visités par leurs compatriotes. Il se dit surtout des voyageurs anglais en France, en Suisse et en Italie ». C'était vrai, alors, car les jeunes aristocrates se devaient d'aller jusqu'à Rome pour parfaire leur culture. Par la suite, Stendhal, avec ses Mémoires d'un touriste, a contribué à élargir l'usage de ce mot.

Souvent péjoratif, le touriste est fréquemment opposé au voyageur qui, lui, part à l'aventure et à la rencontre des habitants des lieux qu'il visite. À l'inverse, le touriste est plutôt passif : il ne voit que ce qu'il veut voir ou ce qu'on veut bien lui montrer. Il s'incruste, il gêne, il s'entasse, il pollue. Selon sa classe sociale, il est associé soit au tourisme ostentatoire, soit au tourisme de masse. Y a-t-il un touriste vertueux ? Il semblerait que non.

Pour ma part, j'ai beaucoup voyagé pour mon travail jusqu'à il y a une dizaine d'années et, oui, j'ai profité de moments de loisir, pas pour faire des voyages organisés car le temps était trop court, mais plutôt des promenades dans les villes où je me trouvais. Mes patrons m'envoyaient en mission ici ou là, et ma revanche consistait à me promener sur mon temps libre pour prendre des photos.

Maintenant, je ne voyage plus pour le travail. Finis les longs voyages en avion, finis les absences chronophages, juste des déplacements motivés par des réunions familiales ou par l'envie de changer d'air. Cela remet en question la vieille définition du touriste selon le dictionnaire : se rendre dans « des pays étrangers », des lieux habituellement visités par vos semblables (« avez-vous fait la Thaïlande, Venise ou la Norvège ? »). Suis-je une touriste si je m'éloigne de cinquante, cent, deux cents, cinq cents kilomètres de mon domicile et que je profite de l'occasion pour me promener ? Peut-être. Suis-je une profiteuse, une parasite qui va jusqu'à déloger les habitants pour profiter d'une chambre confortable ? J'essaie de l'éviter.

La photo a été prise dans le centre-ville d'une destination éminemment touristique (Porto, en l'occurrence), où les habitants ont la sensation que les touristes ont pris possession de leur ville, quand les loyers exorbitants leur permettent encore de loger sur place. J'ai moi aussi grandi dans une ville très touristique (Aix-en-Provence), envahie tous les étés et cela n'a fait qu'empirer. J'essaie juste de ne pas être une profiteuse ou une parasite. J'essaie.