Esprit novateur, député à 27 ans, ministre de l’Éducation nationale à 31 ans, prisonnier politique à 36 ans sous le régime de Vichy, assassiné à 39 ans par des miliciens, Jean Zay fut le premier ministre de l’éducation en France à introduire l’espéranto dans l’enseignement comme activité socio-éducative. Dans une biographie intitulée “Jean Zay“ (Éditions Corsaire), l’historien Marcel Ruby a écrit “Il veut aussi être le défenseur de la culture universelle. C’est pour ça qu’il soutient l’espéranto, langue de l’espoir…”. Beaucoup de villes, dont Paris, ont donné son nom à des rues ou à des établissements d'enseignement. (1)
Il est mentionné aussi dans un autre document intitulé “ Comment (ré)éduquer un ministre de l’Éducation nationale ? De Cai Yuanpei à Vincent Peillon en passant par Mario Pei“.
Son œuvre accomplie en peu d'années fut si immense qu'il y a peu de chances que les "grands" médias prêteront attention au soutien que ce résistant apporta à l'enseignement de l'espéranto. Sa circulaire du 11 octobre 1938 montre que, contrairement à ses innombrables successeurs, il avait déjà perçu l'intérêt et les avantages que pouvait apporter cet enseignement.
C'est aussi l'occasion de se souvenir des propos, toujours d'actualité, tenus voici plus de vingt ans par Michel Serres, le philosophe et historien des sciences : “Actuellement, les savants, les publicistes, les journalistes parlent anglais. On voit sur les murs de Paris beaucoup plus de mots anglais qu'on ne voyait de mots allemands pendant l'Occupation. Tous les gens qui ont une quelconque responsabilité, dans mon pays, ne parlent plus ma langue. Par conséquent, j'appelle le français la « langue des pauvres ». Et je la soigne comme je soigne en général les idées que j'ai sur les pauvres“. (propos rapportés par “Le Nouveau Quotidien", de Lausanne le 1er décembre 1992)
Le nom de Jean Zay figure avec ceux de Léon Blum, Édouard Herriot, Marx Dormoy, Jules Julien, Léo Lagrange — pour ne citer que les plus connus entre dix-huit — comme membre du Comité d'Honneur de la Conférence Internationale "Esperanto en la Moderna Vivo" placé sous le haut patronage du président Albert Lebrun. Cette conférence eut lieu à Paris en mai 1937 dans le cadre de l'Exposition internationale des Arts et des Techniques dans la vie Moderne (Rapport de 144 pages en espéranto). Léon Blum s'était lui-même exprimé en faveur de l'espéranto : "Thérèse et Léon" ou Léon Blum et l’espéranto".
(1) L’idée de langue internationale à travers les noms de voies de circulation de La Roche-sur-Yon
11 octobre 1938. "Circulaire Jean Zay".
Lettre du ministère de l’ÉDUCATION NATIONALE - Direction Générale de l'ENSEIGNEMENT TECHNIQUE (3e Bureau) et Direction de l'enseignement du Second Degré (1er Bureau)
Le ministre de l’ÉDUCATION NATIONALE
à Messieurs les RECTEURS.
Mon attention a été appelée, à diverses reprises, sur l'intérêt que présente, dès maintenant, et que présentera davantage encore dans l'avenir, la connaissance de l'espéranto, langue auxiliaire susceptible de faciliter les relations aussi bien entre les intellectuels qu'entre les commerçants et les techniciens des diverses Nations.
J'ai l'honneur de vous faire connaître qu'il me paraît souhaitable de faciliter le développement des études espérantistes. Certes, il ne peut être question de donner à l'enseignement de l'espéranto une place dans les horaires des études obligatoires de nos Établissements d'enseignement du second degré et dans nos Écoles techniques. Mais si des cours facultatifs d'espéranto peuvent être institués, je n'y verrai que des avantages. On peut l'admettre aux loisirs dirigés.
Je vous serais obligé de porter ces instructions à la connaissance des Chefs d’Établissement scolaire de votre académie.
Le Directeur de l'Enseignement technique
(signature illisible)*
Par autorisation
Le Directeur Second Degré
(signature illisible)**
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*/** : Précisions apportées par Christian Lavarenne, Docteur ès lettres, auteur de la thèse "Espéranto : l'idée interne dans ses origines et quelques-unes de ses expressions et manifestations (aide ou obstacle à la diffusion de la langue ?)" :
Le Directeur du Second Degré, dont la signature est "illisible" dans la lettre circulaire en question, est un certain Monsieur Chatenet; et le directeur de l'enseignement technique est Hippolyte Luc (1883-1946).
Et deux ans plus tôt, alors que Jean Zay était déjà ministre de l’Éducation Nationale, ce même Hippolyte Luc, lui aussi déjà Directeur Général de l'Enseignement Technique, avait informé d'une première décision d'importance prise par le Sous-Secrétaire d’État à l'Enseignement Technique Jules Julien.
Voir aussi :
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