L’écrivain écossais Philip Kerr a situé son dernier roman d’espionnage, Les Pièges de l’Exil, sur la French Riviera des années cinquante, entre Nice Monaco et Saint-Jean-Cap-Ferrat. Il nous explique pourquoi…

Bernie Gunther est de retour.On retrouve le héros récurent des romans de PhilipKerr en 1956 sur la Côte d’Azur, où ayant fui l’Allemagne Nazie, il est devenu concierge au Grand Hôtel de Saint-Jean-Cap-Ferrat. Le jeudi, il joue au bridge à la Voile d’or avec un couple d’Anglais et le directeur italien du casino de Nice.Ses talents de bridgeur vont même lui ouvrir les portes de la Villa Mauresque, où il fait la connaissance de Somerset Maugham.Mais son passé trouble d’inspecteur de police incorporé de force dans les SS va le rattraper, sous la forme d’un ex-nazi devenu maître chanteur.Ce dernier est en possession de photos compromettantes dans lesquelles le célèbre auteur figure en compagnie d’espions anglais à la solde de Moscou.Comme par hasard, une séduisante cliente américaine du Grand Hôtel s’intéresse, elle aussi, beaucoup à Sommerset Maugham… Invité du Salon du livre, à Paris, Philip Kerr nous explique pourquoi il a choisi de situer son nouveau roman sur la Côte d’Azur.
Pourquoi le héros de vos romans d’espionnage est-il Allemand?
J’étais attiré par la période de la seconde guerre mondiale et par Berlin.C’est une ville qui a inspiré beaucoup d’écrivains, particulièrement les Anglais, comme Isherwood, Le Carré ou Len Deighton, qui ont su le mieux rendre l’atmosphère particulière qui y régnait entre 1928 et 1992.Je me suis souvent demandé ce que j’aurais fait si j’avais été un citoyen Allemand lambda pendant la dernière guerre.La trilogie Bernie Gunther était une tentative pour répondre à cette question.
Onze romans plus tard, qu’est-ce qui vous attache encore au personnage?
J’aime son sens de l’humour assez noir.C’est l’humour qui rend tolérable d’écrire sur ces sujets et qui, j’espère, rend mes romans supportables à lire. Bernie Gunther est un homme ordinaire.Il me permet d’explorer en profondeur des dilemmes moraux universels.
Pourquoi avoir situé cette nouvelle aventure à Saint-Jean-Cap-Ferrat?
À cause de Somerset Maugham, qui est mon écrivain préféré.Et aussi parce que je connais bien la Côte d’Azur.J’y viens depuis 30 ans et j’y aime presque tout. Comme Graham Greene, je suis fasciné par cet «endroit ensoleillé pour les gens de l’ombre» («A sunny place for shady people»). J’ai souvent séjourné au Grand Hôtel, mais je n’ai jamais réussi, hélas, à visiter la Villa Mauresque, qui n’est pas ouverte au public.Je suis resté devant la grille…
Somerset Maugham connaissait-il les «Cinq de Cambridge»?
Il y a peu de doutes sur la question.Anthony Blunt et Guy Burgess ont bien séjourné à la Villa Mauresque.Et il a été victime de plusieurs maîtres chanteurs, dont son neveu Robin.Toute l’idée du roman est née de là, d’ailleurs.
Êtes-vous bridgeur?
J’ai appris à jouer pour pouvoir écrire le roman.Mais je suis un piètre joueur.
Y aura-t-il de nouvelles aventures de Bernie Gunther?
Oui, tant que je pourrais l’inscrire dans une réalité historique et baser ses aventures sur des faits réels.
Les pièges de l’exil, de Philip Kerr, Seuil, 400 pages22.50 e.