307679.jpg-r 1920 1080-f jpg-q x-xxyxx Xavier Dolan aurait voulu se venger du jury cannois qui, en 2014, lui a préféré l’Anton Tchekhov des hauts plateaux d’Anatolie (1), qu’il ne s’y serait pas pris autrement.Adaptant la pièce éponyme, du bien nommé Jean-Luc Lagarce, le prodige pop québécois, à la filmographie jusque-là plutôt vivifiante, a infligé au Festival son premier pensum.La chose a laissé sans voix les festivaliers, qui s’étaient presque battus pour assister à la première séance, contraignant l’organisation à en rajouter une deuxième...
Personne semble-t-il ne s’attendait à pareille déconvenue, s’agissant, qui plus est, de son premier film avec un casting de stars françaises (Gaspard Ulliel, Léa Seydoux, Vincent Cassel, Nathalie Baye et Marion Cotillard). On aurait pourtant dû se méfier en regardant la bande-annonce et en s’intéressant au texte de la pièce, que les Québécois connaissent apparemment mieux que les Français.


Mort du sida en 1995, Lagarce y met en scène un jeune auteur à succès revenant dans sa famille après une longue absence, pour lui annoncer sa mort «prochaine et irrémédiable». S’en suit un huis clos familial éprouvant, dans lequel incapables d’exprimer autrement leurs sentiments, les membres de la famille se déchirent allégrement dans une écriture purement théâtrale. On comprend bien que le texte de la pièce ait résonné de façon particulière aux oreilles du génie précoce et singulier qu’est Xavier Dolan.Ce qu’on comprend moins, c’est qu’il se soit cru obligé de mettre en scène au cinéma ce qui aurait dû rester sur les planches d’un théâtre. À l’écran, cela donne une série de duos d’acteurs filmés en très gros plan, champs-contre champs, dans une lumière criarde, en train de déclamer à tue-tête un texte indigeste quand la musique ne sert pas de bouche trou. Exemple, cette scène de repas, au cours de laquelle le héros (Gaspard Ulliel, en ravi de la crèche à casquette), émettant soudain l’idée de retourner voir leur ancienne maison, se fait vertement rabrouer par son frère (Vincent Cassel en mode hyperactif-superagressif) : « Tu veux te retrouver dans cette piaule de chiasse? Est-ce que moi j’ai envie d’aller à Auschwitz pour aller me branler dans le sang séché pour écrire un poème?! ».Intervient alors, la mère (Nathalie Baye, en harpie brune) : « Antoine ça suffit, mauvais goût, mauvais goût! » La sœur (Léa Seydoux en cagole) : « T’es relou! ». Pour ne rien arranger, la belle-sœur (Marion Cotillard, tombée de la lune) bégaie...
On a envie de fuir cette famille d’hystériques au bout de 15 minutes et on s’étonne, en regardant sa montre au générique, que le film n’ait duré qu’une heure trente. On aurait juré qu’il en faisait quatre ! Ce n’est certes pas la Fin du monde annoncée par le titre, mais peut-être celle de la hype autour de Xavier Dolan qui, à 27 ans, affirme avoir signé-là son premier «film d’homme» .Entendre par là : celui de la maturité.Tant pis si on le préférait garçon et immature.

(1) Winter Sleep de Nuri Bilge Ceylan avait ravi la Palme d’or à Mommy (Prix du jury)