Quarante ans après sa mort, Jimi Hendrix continue de publier de nouveaux disques : un cas unique dans l’histoire de la musique. Avant de rejoindre, à 27 ans, le paradis des guitar heroes, Jimi Hendrix a passé sa (courte) vie dans les studios d’enregistrement à coucher sur bandes magnétiques ce que son génie musical dictait à ses doigts agiles. À sa mort, le 18 septembre 1970, le guitariste prodige a ainsi laissé des dizaines d’heures de musiques inédites, en plus de ses trois albums officiels et de nombreux enregistrements live. Ces bandes ont longtemps fait le bonheur des bootleggers, avant d’être récupérées par la famille Hendrix et publiées dans des versions inégales. La signature d’un partenariat avec Sony permet d’exploiter désormais ces enregistrements dans de bien meilleures conditions.
C’est l’ingénieur du son historique d’Hendrix, Eddie Kramer en personne, qui a été chargé de les répertorier, de les « nettoyer » et de les remixer avec les technologies les plus modernes. Ainsi est né, en 1997, « First Rays of the Rising Sun », qui regroupait les derniers enregistrements d’Hendrix avant sa mort pour ce qui devait être le successeur d’ « Electric Ladyland ».
« Valleys of Neptune », sorti en début de semaine, est d’une autre sorte. C’est une compilation de chansons sur lesquelles Jimi travaillait en 1969-70, dans la période de transition située entre la fin de l’Expérience et les débuts du Band of Gypsys. Billy Cox avait remplacé Noël Redding à la basse, mais Mitch Mitchell était encore derrière la batterie (il sera remplacé ensuite par Buddy Miles).
Inédits?
On pourrait disserter sans fin sur le côté véritablement « inédit » des titres ici regroupés. À part peut-être « Valleys of Neptune » qui donne son titre à l’album, tous sont déjà connus des spécialistes et ont déjà été publiés sous une forme ou une autre. Ce qui compte, c’est qu’ils sonnent d’enfer et qu’à aucun moment on ne sente de tripatouillage ou de contrefaçon des enregistrements originaux, façon « Crash Landing ». De fait, l’album s’écoute comme s’il avait été conçu par Hendrix lui-même pour être publié sous cette forme : celle d’un « work in progress » comme en proposent aujourd’hui certains groupes sur leur site internet. Les prises de « Stone Free », « Bleading Heart » et « Hear My train A Comin’ » (dans une version « Voodoo Chilée ») sont particulièrement formidables, avec des envolées de guitare qui montrent qu’Hendrix était au sommet de son art. Celles de « Red House », « Lover Man », « Fire » et « Sunshine of your love », enregistrées en studio pendant les répétitions du concert du Royal Albert Hall, augurent bien de la future réédition de celui-ci. Les autres sont des versions de travail plus ou moins abouties de chansons connues sous d’autres titres (« Lullaby for the Summer » pour « Ezy Rider », « Mr Bad Luck » pour « Look Over Yonder »…). Mais l’essentiel, c’est que ces compositions tiennent sacrément la route et que tout, guitare, voix, basse, batterie, sonne comme si elles avaient été enregistrées aujourd’hui. Comme l’explique Eddie Kramer dans l’interview accordée ce mois-ci à Rock’n’Folk, la qualité des enregistrements originaux y est pour beaucoup et ils ont, par miracle, été parfaitement conservés. Il en resterait encore un certain nombre de publiables. On attend donc avec impatience les prochains albums de celui qui inspira Prince et quelques milliers d’autres tricoteurs de six cordes.