Il y a quelques mois, déjà, ma mère est parti vivre dans une maison de retraite. Ce départ nécessaire mais précipité a été comme un déracinement pour elle, bien sûr, mais aussi pour nous tous …

Je me souviens avoir franchis le seuil de la porte d'entrée de la ferme familiale quelques jours après son départ que l'on savait sans retour.
Le silence présent qui y régnait était lourd comme un deuil après l'annonce d'une mauvaise nouvelle.


Dans ces lieux vidés de toute présence, l'écho de ma voix ne me mettait pas bien à l'aise.
Le poids des années passées dans cette maison, la maison de mon enfance m’oppressaient et j'avais du mal à respirer avec sérénité.
Des années passées ici et puis, un à un, les enfants sont partis. Maintenant que ma mère a parti avec sa valise, j'ai comme le sentiment d'avoir oublié quelqu'un.
Ces remords qui étreignent me font penser que l'on est parti en laissant notre maison seule et orpheline ...


La visite de chaque pièce n'a fait que confirmé ce que je ressentais alors …
Il y a là partout présent, comme par flash, des souvenirs à foison …
Des objets achetés ou offerts, des émotions. Des images, des scènes qui se bousculent devant moi et des frissons …


Ici, un pense-bête, là un agenda et des provisions pour le quotidien, pour continuer à vivre à la maison, chasser les idées noires et pour tenir bon et rester dans son chez soi …
Il n'y avait plus de consigne sur le frigo, plus d'odeur de cuisine à apprécier ni de rire dans notre maison. Non. Des factures anciennes trônaient sur le buffet, les derniers journaux reçus trainaient sur la table. Un vécu et des vies maintenant dispersées …
Je ne savais que penser, seulement ressentir et éprouver malgré moi cette nostalgie du passé qui voudrait pourtant se conjuguer, demain, à l'imparfait …


Devant moi, l'horloge de la cuisine continuait de tourner.
Tel un cerbère, il veille ainsi à témoigner de notre passé et de notre vie de famille. Le temps, lui, nous envisage, comme toujours, et les objets, eux, venaient me dévisager.
Même les couverts se désespéraient de ne pas prendre leur service. Pourquoi vous nous laissez seuls et inquiets ? Pourquoi ?
Évidemment, ces instants étaient, pour moi, longs et pénibles ; je n'osais pas les regarder car j'avais, moi aussi, pour eux comme de l'affection ...

Je ne sais pas s'ils savaient alors ce qu'ils allaient devenir. J'appréhende déjà leur peine et leur tristesse quand ils vont devoir être séparé et vendu dans un vide-grenier.

Pourtant, ce jour là comme les jours qui ont suivi, il a fallut se quitter et se dire en revoir sur la pas de la porte avant de tourner la clé.
Les mois ont passé et rien n'avaient vraiment changé dans la maison.

Il y a quelques temps pourtant, les visites d'un notaires et d'agents immobiliers sont venu rompre la monotonie ambiante.
Moi, je ne savais toujours pas comment tourner la page, renier le passé pour écrire un hypothétique futur, ailleurs loin d'ici ...


Partir demain et ne plus se retourner pour essayer d'envisager la séparation ... A dire vrai, je l'avais déjà fait puisque j'habite là-bas, dans la grande ville, depuis un bon moment.
Et pourtant, mes pensées, mes souvenirs sont toujours là dans les murs de cette maison. Cette maison qui, m'a aidé à me construire, pierre après pierre, pour devenir ce que je suis aujourd'hui et ça, oui ça, je ne pourrais jamais le renier ni l'oublier.

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