Les bancs dégueulent leur rage d'être là
sans avoir demandé à y être
la position des chaises en plastique orange
fait mal

On ne peut s'y asseoir sans avoir envie de pleurer
des larmes d'acide pour les faire fondre
en vain

On ne peut s'y asseoir sans entrevoir toutes les fatigues
accumulées en petits tas dérisoires
rongés par le temps

On ne peut ne pas s'y asseoir sans sentir
un vide étrange, ces heures sans heures d'attente sans but
aux jambes douloureuses

Leur silence absorbe un brouhaha incessant
les paroles tombent dans la structure organique du banc
s'affaissant peu à peu

Les heurts du RER, le pschtt des portes à l'ouverture
le signal sonore annonçant la fermeture
s'enfoncent

Dans le bitume recouvert de mégots, crachats
chewing-gums et piétinements
de talons hauts

Cela sent très exactement un remugle
reconnaissable entre mille

On pourrait l'appeler le désespoir humain
si le désespoir humain ne portait pas pour toujours
l'odeur des tranchées

Ici, tout est balayé par les courants d'air entre les trains
par les courants d'air entre les hommes

Seuls les bancs restent.