Bien entendu, mon bus est arrivé avec une heure de retard. Quand je l’ai vu, j’ai cru être de retour à Madagascar. Ou à une mauvaise blague. On aurait dit un énorme taxi de brousse complètement déglingué. Il manquait plusieurs morceaux de la carrosserie et ce qui en restait, n’était que rafistolage. Le pire bus de ceux que je venais de voir passer dans la gare routière depuis plus d’une heure. Je me suis dit que si le moteur était dans le même état de vétusté, ou les 10 h de voyage annoncées joueraient les prolongations, ou bien il rendrait l’âme avant la fin du voyage. L’histoire démontrera que mes craintes étaient fondées.
Dès que le bus a démarré et que le chauffeur à enclenché la seconde, la boîte de vitesse s’est mise à craquer pendant plus de dix secondes. C'est long des pignons de boîte qui grincent pendant plus de dix secondes. Un vrai râle d’agonie. J’ai bien cru que le voyage allait se terminer avant d’avoir commencé. Finalement il a pu s’élancer. Ce qui ne me rassurait pas pour autant, car plusieurs centaines de kilomètres nous séparaient du terminus. Heureusement, les sièges eux, étaient relativement confortables avec assez d'espace pour ne pas se retrouver avec les genoux sous le menton. J’ai connu ça.
Moi qui connaissais la Thaïlande pour la qualité de ses transports, la crise est passée par là. Le pays a terriblement souffert des effets de la pandémie. On n’invertit plus, on n’entretient plus. On fait durer.
Les interminables bouchons pour sortir de Bangkok ont un temps occulté ce que j’avais soupçonné au départ. Le moteur était rincé, à l’instar de la carrosserie. Au bout d’une heure trente, après être sorti des embouteillages, le bus en pleine ligne droite, roulait à peine plus vite. Les reprises se faisaient difficilement. Bien lancé, il plafonnait à cinquante km/h. Soixante-dix... dans les descentes. Il aurait pu être un peu plus rapide, mais les freins étaient peu efficaces pour un freinage d’urgence. C’est le chauffeur avec qui j’ai sympathisé, qui m’a avoué plus tard, qu’il préférait appliquer ce principe de précaution. Sage décision. Sans compter que les sinistres craquements, accompagnés de mouvements d'oscillation, proches du roulis d'un navire, laissaient présager qu'un logeron pouvait cèder à tout moment. Au mieux, les amortisseurs étaient morts. Moi, je pense que c'était tous ces symptômes à la fois.
Après trois heures de route et une petite centaine de kilomètres plus loin, premier arrêt pour que les voyageurs puissent se restaurer. Quand je suis descendu, j’ai vu un énorme nuage de vapeur s’échapper du moteur à l’arrière. "Ça y est ! me suis-je dit, le radiateur a rendu l’âme ». Pas du tout ! C‘était l’assistant du chauffeur qui aspergeait le moteur avec un jet d’eau pour le refroidir. Peu conventionnel et encore moins efficace, à mon avis, pour un moteur en phase terminale.
A voir ma tête, le chauffeur a éclaté de rire. « Ne t’inquiète pas, on devrait arriver à destination » dit-il pour me rassurer. La traduction est approximative, mais l’emploi du conditionnel était induit dans son propos et surtout dans son regard. Pas de quoi me réconforter. Bien au contraire. Même si nous arrivions à Ubon-Ratchathani, n’ayant pas réservé, je n’étais pas certain de trouver une chambre d'hôtel libre en pleine nuit. Ici, en Thaïlande, ce sont le vacances scolaires et le habitants de Bangkok retournent souvent dans leurs familles en province. Si j’avais opté pour le bus, c’est que tous les trains étaient complets sur plusieurs jours.
Ce qui devait arriver, arriva !
Plus nous avancions, plus la progression se faisait plus lente. A chaque changement de vitesse, on perdait de la puissance. J’ai été définitivement convaincu que les choses allaient mal finir, quand nous avons attaqué une petite montagne. Dans la montée, sur 10 kilomètres, nous ne dépassions pas les 20 km/h. A en croire compteur du véhicule. Moi, j’étais convaincu que le compteur mentait et qu’on roulait à moins de 10km/h. On aurait pu cueillir des fleurs sur la bas côté de la route tout en roulant. Le tout était désormais de savoir quand le moteur allaient définitivement rendre l’âme ?
C’est arrivé alors que nous roulions depuis plus de 15 heures. Quand le bus s’est arrêté, m’étant habitué à ce "train de sénateur", je croyais naïvement que nous étions arrivés. Ne parlant pas le thaï, le chauffeur, le seul à parler quelques mots d’anglais, est venu me dire que nous changions de bus. Il m’indiquait avec une pointe d’humour, que le sien ne respecterait pas l’horaire. Je m’en étais douté. Nous avions déjà 5 heures de retard. Et il nous restait une bonne soixantaine de kilomètres à parcourir.
En guise de bus de remplacement, c’est un mini-van de luxe, offert par la compagnie (c'est la moindre des choses), qui allait prendre en charge les six derniers passagers. Tous les autres étaient descendus dans les différentes stations sur notre route. Vous l’aviez compris, ce n’était pas un bus express.
Finalement tout est bien qui finit bien. A la gare routière de Ubon-Ratchathani, un taxi nous a conduit à l’hôtel que j’avais choisi et il y avait des chambres libres avec un excellent rapport qualité-prix. Pour se remettre de ce périple épuisant, mais pas si terrible que ça - j’en ai vu d’autres -, nous avons décidé de rester trois jours à Ubon-Ratchathani. Le Laos peut attendre.
Le problème avec ce système néfaste pour l'environnement c'est que si tu ne l'as pas, tu t'habitues et tu supportes la chaleur. Plus ou moins. . Moi, je supporte assez bien les températures extrêmes, chaudes comme froides. Le tout est de s'accoutumer progressivement. En revanche, si tu l'as au début du voyage, tu ne peux plus t'en passer. C'est pire que la drogue ce truc là. Et en plus tu peux attraper une engine avec une température ambiante de plus de 30°
;-)))
Annaig56 club has replied to Jean-luc DrouinJean-luc Drouin has replied to Pearl clubCela dit, il ne faut pas exagérer, dans ces pays des gens vivent ça quasiment tous les jours.
Pour nous c'est un peu l'aventure, pour eux, c'est leur quotidien.
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