Il était temps de changer d'univers, depuis le temps ! Retour dans la fiction, donc, avec une autre photo de Damien Vanders (dont je vous ai déjà parlé ici : www.ipernity.com/blog/linsay/487579 ). Un nouveau personnage tellement dense qu'il m'a suffi de l'observer avec attention pour comprendre ce que cachait ce regard :



Il avait fallu revenir. Elle s'était débattue contre cette idée des mois durant, mais elle avait fini par l'admettre : rien ne serait possible tant qu'il serait encore en vie. Les milliers de kilomètres qu'elle avait placés entre eux n'avaient servi à rien. La nuit, il revenait toujours.
Ses plans d'adulte pour empêcher l'arrivée du sommeil ne valaient guère mieux que ses plans d'enfant contre la venue de son père. Petite, c'était la commode contre la porte, les billes par terre, les trois pyjamas enfilés l'un sur l'autre. Adulte, les médicaments, la drogue, l'alcool, les autres hommes. Mais rien n'y faisait : il revenait toujours se glisser dans son lit pendant son sommeil. Son odeur d'alccol et de sueur, ses grosses mains qui s'insinuaient sous ses vêtements, et toujours le cauchemar recommençait, malgré les suppliques inutiles, malgré les larmes.
Alors elle avait pris sa décision : refaire à l'envers les milliers de kilomètres séparant les deux côtes, et le supprimer, simplement. Cela s'était passé vite et en silence,. Il l'avait regardée entrer dans la maison comme si depuis vingt ans il attendait son retour, deux vieux ennemis rongés par la vie qui se regardaient enfin à la lumière du jour et n'y voyaient pas mieux pour autant. Une balle avait suffi, puis la réserve des bouteilles de mauvais whisky avait fourni le combustible nécessaire.
Pendant que le ciel s'assombrissait elle avait regardé la baraque brûler en fumant une cigarette, loin du moindre sentiment d'accomplissement, loin de la vengeance et de l'espoir.
Au moins, ce soir, elle pourrait dormir.